L'Impartial 20-1-1999 (www.limpartial.ch)

Barfred, l'homme aux cent visages

Lauréat du concours de jeune peinture organisé voici un an par la galerie du Manoir pour marquer, de manière tangible et prospective, ses 30 ans d'existence, Philip Barfred vient d'inaugurer son exposition personnelle à La Chaux-de-Fonds.

Des visages adoucis par le travail de la mémoire.(photos Leuenberger)

Homme aux cent visages, infatigable portraitiste de personnages anonymes, Philip Barfred fait partie des jeunes artistes obsédés par la multitude.

Une multitude dans laquelle ils cherchent à fixer l'unicité individuelle, la société ne fournissant plus, depuis longtemps, de commanditaires argentés et patients, prêts à poser pour la postérité dans l'atelier du peintre. La photographie se charge en effet fort bien de cette tâche.

Aussi, les peintres intéressés par le portrait, un genre qui remonte à l'Antiquité, trouvent-ils leur inspiration, leurs modèles fortuits, dans les revues ou dans la rue. Tel est le cas pour Philip Barfred, venu de Copenhague à la Cité des arts de Paris en 1993. Où il a découvert tant les grands symbolistes français que les foules métissées et mouvantes des rues de Belleville ou des rames de métro.

Il en a absorbé les visages jusqu'à l'indigestion, avant de régurgiter ce trop-plein d'images dans ses peintures, sur papier kraft blanc le plus souvent, un support très intéressant , sur lequel les couleurs à l'huile sont travaillées par frottage avec un tampon textile. Cette technique modeste et personnelle lui permet des tonalités transparentes, superposées, qui révèlent petit à petit les visages nomades restitués de mémoire, on sait qu'elle est sélective, et doués, dans leur apparente évanescence, d'une étonnante force expressive, théâtrale et dramatique.

Dans une gamme chromatique privilégiant les noirs, rouges, jaunes, viennent s'ajouter des ors, non "pas pour une recherche d'effets", précise Philip Barfred, mais pour conférer aux figures une charge spirituelle qu'elles possèdent intrinsèquement. Dans ce catalogue lourd d'émotions, où l'on devine les influences d'Odilon Redon et de Edvard Munch, les visages féminins de Philip Barfred sont associés à une forme indéfinissable sur leur gauche, sorte de corps flottant ou caresse hypothétique.

Jeune homme doux et réservé né à Copenhague, Philip Barfred est diplômé en agronomie, en philosophie et en psychologie astrologique et jungienne. Nul doute que ce rapport nature-esprit doit l'absorber, de même que la place de l'homme dans le cosmos. Avant son installation à Besançon, il a parcouru le monde, de Sibérie au Mexique, et exposé ses travaux en ex-URSS, au Japon, à Paris, au Danemark, en Lituanie.

Sonia Grafl

Copyright HREF="mailto:impartial@impartial.ch MACROBUTTON HtmlResAnchor L'Impartial . Dernière mise à jour 14 janv. 1999